24/03/2017
Pierre Laurent (PCF) : « Nous voulons la tenue d’une COP fiscale »
Dans un entretien au Quotidien, journal indépendant du Luxembourg, le secrétaire général du Parti communiste français (PCF), Pierre Laurent, plaide pour une Europe de la solidarité et dit ses espoirs d’unité de la gauche.
Le secrétaire général du PCF était vendredi 17 mars à Thionville où il a demandé à rencontrer l’OGBL pour échanger sur la problématique des frontaliers. Le sénateur de Paris, dont le parti soutient la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, s’exprime sur les scrutins à venir et la recomposition du paysage politique français.
Le Quotidien : Les frontaliers, généralement absents du débat politique en France, suscitent un intérêt accru des politiques. Pourquoi?
Pierre Laurent : Il s’agit d’une problématique montante parce que le nombre de travailleurs frontaliers grandit. C’est pour ça que nous souhaitions rencontrer les camarades de l’OGBL pour aborder cette thématique que nous voulons relayer avec plus de force.
Nous avons vu avec l’OGBL qu’il y a des enjeux importants pour préserver les droits des frontaliers car il y a des fragilités. Il y a la précarité due au recours très important à l’intérim. Les intérimaires représentent une part importante des travailleurs frontaliers du Luxembourg.
Quels sujets avez-vous abordés?
Il y a des problèmes concrets d’accès aux droits sociaux, au chômage. Il faut pousser les gouvernements à mener des discussions qui lèvent ces obstacles. Il y a aussi le problème très important des transports. Pour moi qui suis un élu parisien, il est frappant de constater que les temps de transport des frontaliers sont voisins de ceux que connaissent les Franciliens.
Il y a des enjeux importants d’investissement dans les infrastructures et cela concerne le gouvernement français. Il ne peut pas se désintéresser des conditions de vie et de travail de plus de 80 000 frontaliers, chiffre qui pourrait grimper à 120 000 dans les années à venir.
Ces problèmes renvoient aussi au sens que l’on veut donner à la construction européenne…
Dans le cadre des élections françaises, nous avons des rencontres thématiques nationales et nous en tenons une ce soir (NDLR : vendredi dernier) à Villerupt sur l’Europe. Nous voulons remettre la France à l’offensive sur ce terrain pour placer l’Europe sociale au cœur du débat. On voit que certains exploitent les difficultés sociales dans différents pays. La mise en concurrence de plus en plus de travailleurs européens pousse à des réponses de repli, de fermeture des frontières, des réponses nationalistes qui sont une impasse.
Comment éviter cette impasse?
Le moment est venu pour la France de reprendre l’initiative sur la question de l’harmonisation des droits sociaux vers le haut pour tous les travailleurs européens.
Le PCF soutient la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. Il a eu, ces dernières semaines, des mots assez durs pour le Luxembourg, en premier lieu sur la fiscalité.
L’harmonisation fiscale est un de nos combats. Nous portons, avec nos parlementaires, l’idée de mettre en place une « COP fiscale » pour lutter contre les logiques de dumping fiscal et social en Europe. L’Europe reste une zone qui produit énormément de richesses, mais une part considérable de ces richesses échappe à la construction commune, au profit des actionnaires de multinationales.
Le problème ne vient pas du fait qu’une partie des Européens auraient de la richesse et les autres n’en auraient pas. Tous les Européens sont spoliés par un système fiscal et financier qui est organisé pour capter la richesse. Il y a un intérêt commun des Européens, qu’ils soient luxembourgeois, allemands, français ou belges, de remettre la main sur ces richesses pour financer leur développement.
L’idée de l’harmonisation fiscale en Europe est parfois perçue comme un épouvantail au Luxembourg. Le comprenez-vous?
On voit que chacun peut faire miroiter l’idée qu’en se mettant à l’abri de règles communes on serait mieux protégé. C’est une erreur. Regardez comment le débat a été utilisé en Grande-Bretagne pour justifier le Brexit : on voit que les travailleurs britanniques n’ont rien à y gagner. En revanche, tout le monde a intérêt à la solidarité.
Et pourtant, c’est la peur de l’autre, qui semble dominer le débat?
La peur est utilisée de différentes manières dans les pays européens pour opposer les uns et les autres. La vérité est que la solidarité donnerait aux Européens la maîtrise des richesses créées. Il est paradoxal de constater que les dirigeants libéraux qui ont le plus le mot « Europe » à la bouche sont aussi ceux qui renoncent à la solidarité et font peur aux gens. C’est aux forces de gauche, démocratiques et progressistes de reprendre le flambeau de la construction d’une Europe de la solidarité.
Jean-Luc Mélenchon a sur ce point un discours plus radical…
Pour répondre de manière très directe, l’Europe est un sujet sur lequel nous avons parfois des positions qui ne sont pas exactement les mêmes. Notre diagnostic converge sur l’impasse des politiques d’austérité et de dérèglementation en Europe. Mais le PCF est persuadé qu’il faut y opposer une ambition solidaire.
Les travailleurs européens sont tous confrontés aux mêmes situations dans des conditions nationales qui diffèrent d’un pays à l’autre. Notre travail politique est de faire converger les intérêts. La solidarité en Europe a été délaissée par la majorité des gouvernements. Je crois qu’il ne faut pas ouvrir la porte à des logiques mettant en concurrence les peuples. C’est un engrenage que les forces les plus dangereuses pourraient exploiter.
L’Europe divise aussi les deux principaux candidats de la gauche : Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Une candidature commune est-elle définitivement exclue?
Les forces de gauche ont conscience qu’il faut rompre avec l’austérité, qu’il faut construire une ambition sociale. J’ai souhaité pendant toute l’année écoulée que ces forces convergent pour construire une candidature commune. La situation montre que cette exigence était justifiée. Mais il sera difficile d’y parvenir. En revanche, on peut continuer à faire grandir les exigences communes en vue de la construction d’une plateforme commune. Après la présidentielle, il y aura des législatives dont l’objectif doit être d’échafauder une nouvelle majorité politique, un pacte entre ces forces.
Qui serait aussi un contrepoids à l’extrême droite?
C’est indispensable face au danger de l’extrême droite, mais aussi de la droite avec des projets de plus en plus radicalisés. C’est le cas en France et dans d’autres pays européens. Je suis persuadé que la grande majorité des Français n’a pas envie de se livrer à Marine Le Pen ou à des aventures politiques aussi dangereuses.
Pourtant la tentation est là?
Beaucoup de gens n’ont pas encore décidé pour qui voter. Ils cherchent une voie nouvelle parce que les réponses des deux derniers quinquennats, celui de droite et celui de Hollande – Valls, ont fait faillite. C’est notre responsabilité d’encourager cette recherche. Les forces existent. On l’a vu dans les mobilisations sociales contre la loi travail. Tout ça n’a pas disparu des consciences en France.
Cela passe-t-il aussi par un renouveau des idées?
Des choses nouvelles se sont déclenchées. Sans cela, il n’y aurait pas eu le mouvement contre la loi travail l’an dernier. Il n’y aurait pas eu la victoire de Benoît Hamon à la primaire qui avait été justement conçue pour éviter cette réponse-là. Mais ce n’est pas facile : la présidentialisation extrême de la vie politique française, sa personnalisation, est un obstacle car les forces sont diverses et il faut construire des coalitions respectant cette diversité.
C’est pour ça qu’il faut aussi porter l’effort sur les législatives. Il y a des éléments de danger dans la situation actuelle, mais aussi des éléments de confiance.
La confiance dans les dirigeants politiques est passablement entamée auprès des électeurs et les affaires secouant la campagne électorale n’arrangent rien…
Le débat est confisqué par les affaires. Je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit Benoît Hamon : la campagne électorale française est polluée par l’argent et de la pire des manières. Elle l’est parce qu’une partie du monde politique est dans un rapport devenu trop étroit avec les milieux financiers, qui sont les plus intéressés à la poursuite du système actuel. Ce conflit d’intérêts entre forces de l’argent et responsables politiques gangrène la démocratie.
Que proposez-vous pour sortir de cette situation?
Il y a un énorme problème de représentation populaire dans le système politique français. Un des enjeux des législatives est qu’il faudra à nouveau à l’Assemblée nationale des ouvriers, des employés, des professeurs des écoles, des gens qui savent ce qu’est le travail à l’hôpital. Cette population qui fait la richesse du pays n’est plus représentée, ou tellement marginalement. On a besoin de rénover les institutions politiques nationales, du sol au plafond.
La crise actuelle va-t-elle recomposer le champ politique en France?
La recomposition a déjà démarré. Elle peut déboucher sur le meilleur comme sur le pire. Elle peut être confisquée par des forces qui vont discréditer la démocratie et encourager l’avènement de régimes de plus en plus autoritaires. Ce n’est pas propre à la France : il suffit de voir ce qui se passe en Grande-Bretagne, ce qui se passe avec Erdogan, avec Trump ou dans plusieurs pays européens.
À l’inverse, cela peut aboutir à la poussée d’exigences démocratiques très fortes. Le fait que l’idée d’une VI e République grandisse en France en est le signe. Il y a donc des dangers, mais aussi des potentiels de refondation démocratique très importants. C’est la même chose partout en Europe.
Nous trouvons-nous à la croisée des chemins?
Il est frappant de voir en ce moment à quel point les élections nationales dans différents pays intéressent au-delà des frontières. Tout le monde sent qu’on est dans une période charnière. Beaucoup de regards se tournent vers la France, on retient son souffle. Le fait est qu’on est au bout de quelque chose. La construction européenne telle qu’elle a été engagée produit des crises et des chaos politiques.
En France, les deux partis qui ont dominé la vie politique nationale seraient éliminés du deuxième tour de la présidentielle. Ça veut quand même dire que ça secoue très fort dans la société.
Fabien Grasser
13:32 Publié dans Economie, International, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre laurent, cop, finances | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
25/03/2016
Son titre en fait le « patron » du Parti communiste, mais Pierre Laurent ne croit en fait qu’à « l’intelligence collective »
C'est un lapsus qui ne trompe pas. Il a essayé à plusieurs reprises, mais non, Pierre Laurent ne parvient pas à parler d'homme (ou de femme) « providentiel », remplaçant chaque fois ce dernier adjectif par « présidentiel ».
C'est comme ça, chez le secrétaire national du Parti communiste français, invité hier après-midi des Rencontres Sciences Po- « sud Ouest », le collectif est décidément trop fort.
D'ailleurs, il ne s'est pas privé de souligner que, si beaucoup de choses rassemblaient les militants du PCF et du Parti de gauche, une au moins les différenciait : « le rapport au chef ». Jean-Luc, si tu nous écoutes… « On me présente comme le patron du Parti. En fait, j'aime les gens qui prennent leurs responsabilités, mais je n'aime pas les chefs. Pour moi, l'intelligence n'est que collective. »
Autant dire que la posture martiale et autoritaire de Manuel Valls impressionne assez peu Pierre Laurent. « Au Sénat, il a une attitude révélatrice, précise-t-il. Quand il parle, il tourne désormais le dos aux bancs de gauche, il ne regarde que les bancs de droite. » 2017, il en a bien sûr été question dans la bouche des étudiants de Sciences Po et de notre confrère Jefferson Desport. Pierre Laurent a ironisé sur tous ces candidats de gauche, dont Jean-Luc Mélenchon, qui ont déjà loué leurs starting-blocks. « Pas la peine de rajouter d'autres noms, y compris le mien. »
Pour lui, c'est d'abord un programme de gauche qu'il faut élaborer avant de trouver le ou la candidat(e) qui le défendra. Et, selon lui, c'est Myriam El Khomri, à l'insu de son plein gré, qui pourrait rassembler la gauche anti-Hollande, c'est-à-dire tous ceux qui défilent et manifestent contre sa loi.
« Aucun parlementaire de gauche ne pourra la voter », affirme le secrétaire national du PCF, qui parie sur une affluence considérable le 31 mars dans la rue. Une loi qui a, en tout cas, permis aux communistes de se rendre compte qu'ils avaient du retard pour la mobilisation via les réseaux sociaux.
S'il croit toujours à la lutte des classes et à la révolution, sans la voir comme le grand soir mais « en dépassant le système capitaliste qui permet à 1 % de la population mondiale d'être aussi riche que les 99 % restants », Pierre Laurent ne fait pas d'angélisme.
« Le seul boulevard qu'offre la crise économique, c'est le boulevard du racisme, dit-il. Quand il y a le choc des misères, difficile de faire passer le message de la solidarité », ajoute-t-il, reconnaissant avoir « un peu perdu la bataille idéologique contre l'extrême droite ». « Mais, depuis des années, on ne cesse de culpabiliser et dénigrer le monde ouvrier en désignant l'étranger. »
Pierre Laurent, lui, et c'est génétique, croit toujours à la fraternité. Celle qui l'unissait notamment à Charb et à d'autres dessinateurs de « Charlie » et qu'il a évoquée, à sa façon, d'un ton égal, sans effets de manches. « Ils nous ont manqué, à la dernière Fête de ‘‘L'Huma''. »
Benoît lasserre pour Sud Ouest
11:25 Publié dans Actualités, Connaissances, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre laurent, pcf, chef | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
15/12/2014
Le face-à-face entre deux projets de société
Pacte de responsabilité, loi Macron, coût du travail et coût du capital, règles sociales, démocratie et entreprise…
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, et Pierre Gattaz, président du Medef, confrontent leurs options politiques sur tous les dossiers
Quelques heures après que Pierre Laurent, indigné par les déclarations sur la « souffrance patronale » et la monopolisation par le Medef du discours sur l’entreprise, eut proposé un débat public au patron des patrons, un tweet #gattaz relevait le gant et souhaitait l’Humanité comme champ clos.
La confrontation s’est déroulée hier comme une conclusion aux mobilisations patronales de la semaine dernière et à leur réplique orchestrée par les militants du PCF. Climat courtois, écoute mutuelle mais débat sans concession, animé par le directeur de la rédaction de l’Humanité, Patrick Apel-Muller, et par le chef du service politique, économique et social du quotidien, Sébastien Crépel.
Pierre Gattaz veut afficher un « esprit d’ouverture » afin de « faire avancer la démocratie » et se présente soucieux d’une « économie humaine ».
Pierre Laurent souligne que le travail est à l’origine de toute richesse créée dans l’entreprise et relève leur opposition fondamentale à propos de son accaparement par le capital.
La controverse est lancée ; elle déborde le temps d’abord imparti à cet échange ; elle n’en restera pas là… Jugez-en.
1 le chômage en France, la faute au coût du travail ou au coût du capital ?
Pierre Gattaz : Une entreprise est une communauté d’hommes et de femmes. Il faut donner du travail aux Français, aux jeunes, aux chômeurs. C’est mon obsession. Nous sommes bien évidemment pour donner du salaire net, du pouvoir d’achat à nos salariés. C’est fondamental, il faut que la fiscalité et le coût du travail ne pèsent pas trop sur ces salaires nets. Second constat, il faut impérativement que ce travail soit compétitif, dans une économie ouverte et mondialisée. Sinon les entreprises risquent, qu’elles soient françaises ou étrangères, de partir de France pour s’installer ailleurs, ce que nous ne voulons pas, au Medef.
Lorsque vous évoquez le coût du capital, le sujet est le financement des entreprises. Il y a un coût du capital qui s’appelle dividendes ou plus-values. Cette somme-là est la rémunération d’un risque. On oublie souvent dans mes propos que je suis pour une économie humaine, et mon combat n’est pas de distribuer plus de dividendes aux actionnaires, de vider de leur sens les entreprises. Comment puis-je créer de la croissance, préserver mes usines et au maximum les hommes et les femmes qui y travaillent, et faire que la mondialisation soit vertueuse ? Ce sont ces deux questions qu’au Medef, on se pose pour le pays.
Pierre Laurent : Vous parlez « d’économie humaine », mais c’est incompatible avec le discours permanent de culpabilisation qui est le vôtre sur le coût du travail. Le travail n’est pas un coût, c’est l’origine de toute la richesse créée. Quand vous mettez en cause « les charges » sociales, en prétendant protéger le salaire net, vous attaquez aussi le salaire, parce que ces charges sont des cotisations sociales qui sont du salaire socialisé.
Vous dites : « Il faut du capital pour l’entreprise », mais le problème c’est que, depuis trente ans, le coût de la rémunération de ce capital n’a cessé d’augmenter au détriment du travail. Vous masquez en permanence dans votre discours qu’il y a une confrontation d’intérêts entre la rémunération excessive du capital et une pression sans cesse accrue sur le travail. La France ne se développe pas dans la mondialisation en cherchant à concourir dans les catégories des pays à bas salaires et à emplois précaires. Vous en demandez toujours plus pour le capital, alors que nous devrions investir toujours plus dans les salaires, la formation et la qualification.
Pierre Gattaz : Nous avons beaucoup de points de convergences ! La valeur travail, magnifique, merveilleuse, il faut réhabiliter le travail, c’est au sommet de la pile.
Pierre Laurent : Mais tous vos actes concrets, toutes vos revendications sont à l’inverse !
Pierre Gattaz : Mais non, pas du tout ! C’est là où j’insiste, j’ai géré durant vingt ans ma société Radiall en me posant une unique question : comment garder mes quatre usines françaises dans un marché parti principalement en Chine ? J’ai perdu 40 % de mon chiffre d’affaires entre 2001 et 2002 mais, dix ans après, j’ai cinq usines en France. Mon chiffre d’affaires à l’exportation, c’est 90 %. Mais j’ai préservé le travail, j’ai préservé mes salariés français, et je les ai fait monter en gamme.
Chez Radiall, 75 ou 80 % des profits sont réinvestis dans la technologie, la formation des salariés, dans la recherche-développement, principalement en France. Une boucle vertueuse s’est donc développée pour préserver les usines et les salariés français afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes, et ça marche. Deuxième point de convergence, à propos du salaire et du pouvoir d’achat. Je veux des salaires nets les plus élevés possible, mais vous avez une masse de charges qui représente 600 milliards, et que vous nommez salaire différé. Moi, je pense que c’est un bousin qui n’est pas géré. Qui finance cette masse ? Ce sont les impôts que nous payons…
Pierre Laurent : Il y a un problème sérieux, quoi que vous en disiez, de gâchis dû au coût du capital. Qu’est-ce qui justifie cette augmentation continue des dividendes ? Sûrement pas l’efficacité des entreprises ! Vous répétez sans cesse qu’il faut baisser la dépense publique, mais regardons plutôt l’efficacité de cette dépense, car il y a une dépense inefficace : celle qui consacre de plus en plus d’argent à compenser des exonérations et des niches fiscales sans effet en matière d’emploi… Je récuse donc vos propos sur le coût du travail.
Nous ne rendrons pas les entreprises françaises compétitives en laissant les jeunes à la porte de l’entreprise et en faisant travailler plus longtemps les seniors. Il faut investir dans le travail, la formation et la qualification, et pas seulement dans le haut de gamme. Nous devons cesser de sacrifier des pans entiers de notre industrie avec ses métiers de base, au point d’être devenus complètement dépendants de l’étranger pour la machine-outil et les biens d’équipement.
Il faut aussi changer les règles d marché pour permettre à tous un développement équilibré et des coopérations, faute de quoi nous irons vers des tensions internationales croissantes. Il y a donc une cohérence à changer les choix de gestion dans l’entreprise. Nous devons envisager un autre type de « mondialisation » fondée sur le partage. La France et nos entreprises devraient être actives dans ce domaine.
Pour cela, il faut commencer par reconnaître plus de droits aux salariés. Vous dites que l’entreprise est une communauté humaine, mais aujourd’hui, ceux qui sont les plus nombreux – les salariés – n’ont jamais leur mot à dire sur les choix de gestion.
Pierre Gattaz : Il faut cultiver, par la formation, l’employabilité permanente. Dans le futur, un salarié connaîtra sans doute au cours de sa carrière trois, quatre, cinq, sept métiers. L’important est de ne pas rester au chômage longtemps durant ces transitions. Il y aura des crises, des montées et des baisses de marchés. Le modèle danois de flexisécurité est intéressant sur ce point. Vous évoquez les métiers en tension, il y a 400 000 emplois non pourvus en France face à 3,3 millions de chômeurs. Vous avez raison, ces métiers sont pestiférés, je dirai. Pierre Laurent Comment voulez-vous y arriver avec 84 % d’embauches en CDD ?
Pierre Gattaz : Merci de cette question : pourquoi a-t-on ce taux de CDD ? Parce que le patron, ça va vous faire mal aux tympans, a peur d’embaucher en France. Des petits patrons me disent : « J’ai eu quatre salariés, et bien j’ai eu quatre prud’hommes. Ne comptez plus sur moi pour embaucher. » Il faut impérativement sécuriser ou clarifier les conditions dans lesquelles nous pouvons nous séparer de nos salariés en CDI.
Pierre Laurent : À quel salarié allez-vous faire croire qu’en supprimant toutes les garanties sociales vous allez libérer la possibilité d’embaucher ? Ce que vous allez libérer, c’est la possibilité de licencier. Nous, nous proposons depuis très longtemps de construire une nouvelle branche de la Sécurité sociale qui permettrait aux salariés, quand ils doivent changer d’emploi, de ne pas passer systématiquement par la case chômage. On pourrait très bien, plutôt que de dépenser de l’argent dans une indemnisation du chômage de plus en plus inégale et injuste, investir dans un système de sécurité d’emploi et de formation.
Pierre Gattaz : Sur le constat final, on est à peu près d’accord, mais pas sur le moyen d’y arriver. Il y a deux choses à régler en France : il y a la peur des salariés de se faire licencier et la peur des patrons d’embaucher. Il faut trouver des moyens de les faire baisser. C’est ce que nous avons fait dans l’accord interprofessionnel des partenaires sociaux en décembre : nous avons essayé de pousser des droits supplémentaires, comme le compte personnel de formation. Qu’est-ce que je fais au niveau de Radiall ?
Je fais des classes en entreprise depuis dix ans. J’emmène des professeurs et des classes, une fois par an, trois jours dans mes usines. Ils font classe de français, de philo et de maths avec les profs qui viennent pendant deux heures. Je fais des groupes de 6 élèves et ils vont voir mes salariés, mes décolleteurs. Le décolleteur explique l’amour de son travail, il explique la précision, il décollète à dix microns. C’est une pièce qui va dans l’horlogerie, dans un satellite. Il explique son métier avec passion.
C’est tout ça, la vraie vie. Et au bout de trois jours, vous avez des enfants qui voient des métiers d’ingénieurs, de techniciens, d’ouvriers professionnels qui sont des artistes dans leur métier. L’entreprise, ce n’est pas Germinal ou Zola, ce n’est pas vrai. Les ingénieurs tutoient les ouvriers, on s’entraide sur des projets, c’est propre par terre, l’entreprise, c’est bien. Aimons l’entreprise.
Pierre Laurent : Vous n’allez pas m’expliquer à moi qu’il faut respecter la classe ouvrière. Le monde de la création, le monde ouvrier, le monde du travail, c’est l’ADN des communistes. Et c’est pour ça d’ailleurs que je revendique notre propre parole sur la question de l’entreprise et que je récuse le monopole patronal sur cette question. Vous avez évoqué l’Allemagne.
Vous savez très bien que si l’Allemagne a maintenu un niveau de production industrielle bien supérieur au nôtre, c’est pour plusieurs raisons. Ils ont mieux protégé le travail et la rémunération du travail dans l’industrie. Ils ont su mettre leurs services bancaires au service du développement industriel. Où sont les banques françaises quand il s’agit de faire un tour de table pour sauver une entreprise industrielle française ?
Et enfin, ils ont continué à développer une politique de filières que nous avons totalement abandonnée. Les grands donneurs d’ordres français, ceux du CAC 40, se comportent comme des groupes qui rançonnent toute la filière, les salariés en dernière instance, et aussi leur PME. Donc plutôt que de montrer sans cesse le travail comme un problème, comme un coût, nous devrions plutôt défendre ce travail et nous attaquer à ces problèmes structurels. Nous avons un capitalisme qui, en France, est en grande partie un capitalisme rentier.
Pierre Gattaz : Il y a des excès et des problèmes à régler en France. Des directions d’achat qui pressurisent les PME qui utilisent le CICE, ça existe, maintenant est-ce que c’est 100 %, 95 % ou 1 % ? Au Medef, on regarde les excès à chaque fois.
Le CAC 40, c’est un porte-avions qui entraîne de plus en plus des PME et des ETI. Il y a quelques années, on a créé le pacte PME, avec le patron de Schneider Electric, pour motiver nos grandes entreprises à chasser en meutes, c’est-à-dire à pousser leurs PME, leurs ETI dans leur sillage. Ça fonctionne. Nous allons continuer ce combat. Les banques françaises ont été les plus vertueuses au monde dans la crise de 2007-2008. Pour autant, nous n’allons pas tout attendre des banques.
Au Medef, on pense qu’en dehors des banques, il faut utiliser toutes les autres sources de financement : le crowdfunding, source de financement sur Internet, est intéressant. Si vous avez 1 000 personnes qui mettent 15 euros, ce n’est pas énorme pour une start-up, mais c’est un début. C’est un système attractif parce que plus il y aura d’employeurs, plus nous aurons la chance de créer des emplois. C’est mécanique. Personne ne m’a démontré le contraire pour l’instant mais peut-être allez-vous le faire. Il faut donc absolument que ces gens qui arrivent avec peu, voire pas de moyens, puissent trouver des capitaux.
Il faut également développer les fonds de pension à la française et une fiscalité incitative pour que les gens puissent mettre 2 000 euros dans une boîte sans que tout le bénéfice du risque pris soit confisqué en impôt.
Pierre Laurent : Votre indulgence à l’égard du système bancaire est très étonnante. Car il y a effectivement un énorme problème de financement de l’économie. Le système bancaire joue un rôle malheureusement très important. Nous devons reprendre la main pour piloter différemment l’utilisation de ces fonds du système bancaire et d’épargne. D’ailleurs, le problème est aussi européen.
L’« indépendance » consacrée de la Banque centrale européenne est une aberration. On oblige et les entreprises et les États à aller se refinancer à des coûts prohibitifs sur le marché alors qu’on pourrait très bien financer autrement. Quant à la fiscalité, vous prétendez qu’elle ne pèse pas assez sur la consommation et qu’on pourrait augmenter la TVA alors que la fiscalité sur le capital est affreuse et insupportable. La réalité des recettes fiscales de l’État, c’est l’exact inverse.
La TVA est de loin la première recette fiscale, elle rapporte deux fois plus que l’impôt sur le revenu et six fois plus que l’impôt sur les sociétés. Nous avons une fiscalité d’une injustice totale au travers de laquelle passent des richesses considérables. Je suis le premier à penser qu’il faut repenser totalement la fiscalité française et remettre à plat toutes les niches et toutes les exonérations fiscales accumulées ces dernières années et qui n’ont donné aucun résultat en matière d’emploi.
Pierre Gattaz : Nous avons un point de divergence majeur sur la fiscalité.
2 Quel rôle de l’État pour piloter et stimuler l’activité économique ?
Pierre Gattaz : De 1 200 milliards d’euros aujourd’hui, la sphère publique augmente de 50 milliards par an grosso modo, et représente 57 % du PIB. Qui paye ? C’est l’entreprise in fine, celle qui crée de la richesse.
L’entité qui paye les missions régaliennes, c’est l’entreprise. Le domaine de l’État doit se limiter à ses fonctions régaliennes. Il faut revenir à un niveau de dépense qui s’approcherait de 50 % du PIB dans un premier temps. Et contrairement à ce que vous dites, pour moi, effectivement, nous avons une fiscalité qui est inversée. Nous avons une TVA à 20 % au taux maximum, alors que dans les pays à haute protection sociale que sont les pays du nord de l’Europe, vous êtes à 23, 24, 25 et jusqu’à 27 %.
Nous sommes en compétition avec la moyenne européenne. Et le coût du travail montre en effet que, depuis 2000, nous étions à 8 % de moins en taux horaire par rapport aux Allemands, nous sommes aujourd’hui à plus 12 %. Et les 35 heures sont passées par là. On a donné 10 % de plus aux gens en temps, sans baisser les salaires. C’est un problème.
Ensuite, je terminerai par le capital et l’épargne. Tous les rapports du monde l’expliquent : quand vous mettez 10 000 euros dans une entreprise, il faut que votre taxation soit simple et connue si vous revendez. Or, aujourd’hui, ce n’est pas motivant, parce que la taxation des plus-values est compliquée, donc c’est décourageant. Après, vous avez ce problème des dividendes.
Je réinsiste, la question des dividendes qui est très diabolisée en France, c’est la rémunération d’un risque. Donc, je veux bien tout ce que vous voulez, mais toutes les PME et toutes les TPE pour acheter des robots ont besoin de fonds propres. Ces fonds propres sont apportés par des actionnaires. Ces actionnaires, idéalement, ça devrait être nos salariés. Et je suis très content parce qu’on a poussé ça, d’améliorer la fiscalité de l’épargne des salariés, d’améliorer la possibilité pour nos salariés d’être actionnaires. C’est dans la « loi Macron », et je m’en félicite.
Pierre Laurent : L’impôt n’est pas là pour payer la « dépense publique » mais sert au contraire à investir dans des domaines où justement l’entreprise ne le fera pas. Et dans des domaines qui participent au développement de la collectivité nationale. Nous avons besoin d’impôt pour financer le système d’éducation, pour soutenir les infrastructures, dont d’ailleurs les entreprises se servent, que ça soit les routes, le ferroviaire, les installations portuaires…
Donc l’impôt n’est pas une charge. Je ne méprise pas le rôle de l’entreprise, c’est un lieu de création, mais l’entreprise ne résume pas non plus toute la société. Faire maigrir brutalement l’investissement public, comme vous le proposez, ne va faire que dégrader la situation. Ensuite, on ne travaille pas trop en France. Il n’y a pas assez de gens qui travaillent, et la productivité des travailleurs français est extrêmement élevée.
Nous laissons à l’écart du travail une part croissante de la société française. Enfin, vous rendez hommage à la « loi Macron », car elle va dans votre sens, après le CICE qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a pas produit de résultat probant en matière de créations d’emplois. Avec cette loi, on va déréglementer le marché du travail, flexibiliser encore davantage, mais sans résultat efficient sur l’activité économique.
3 Le gouvernement Valls, un gouvernement Medef compatible ?
Pierre Gattaz : Non, je ne le sens pas du tout comme ça. Il faut que l’on dépasse le débat gauche-droite, parce qu’il est obsolète. Ni l’entreprise, ni l’économie de marché, ni la mondialisation, ni le dialogue social ne sont une affaire de gauche ou de droite. Il faut avoir la lucidité de voir le monde qui tourne et qui bouge et qui est en mutation accélérée, et d’en finir avec des postures, des dogmes et des idéologies. Nous avons travaillé au Medef sur notre projet « France 2020, faire gagner la France ».
C’est une France qui retrouve de la croissance et c’est une France du plein-emploi. Car je suis persuadé qu’en France, on peut retrouver le plein-emploi : moins de 7 % de chômeurs. C’est mon obsession absolue. Et concernant le travail du dimanche, il faut demander à nos consommateurs et à nos salariés. Sur les Champs-Élysées, j’ai vu des jeunes femmes salariées qui pleuraient parce qu’on les interdisait de travailler après 21 heures : c’est quand même scandaleux d’en arriver là ! Ça ne vous aurait pas ému ?
Pierre Laurent : Vous ne pouvez pas dire ça ! Allez dans la grande distribution : qui empêche les caissières de travailler à temps plein ? Ce sont les patrons de la grande distribution, qui multiplient les contrats à temps partiel. Toutes les enquêtes le montrent !
Pierre Gattaz : Vous parlez de travail subi, alors que moi, je dis qu’il faut s’adapter aux demandes de ces jeunes femmes qui veulent travailler après 21 heures parce qu’elles touchent des primes ou des salaires augmentés de 25 %.
Pierre Laurent : Mais leurs salaires sont bloqués !
Pierre Gattaz : Ça c’est complètement faux, si vous travaillez après 21 heures sur les Champs-Élysées, votre salaire sera augmenté.
Pierre Laurent : Allez discuter avec les salariés du commerce et vous verrez ce qu’ils vous diront sur leur salaire !
Pierre Gattaz : Je suis pour le travail le dimanche et après 21 heures sur volontariat des salariés quand cela a du sens. Amazon fait 25 % de son chiffre d’affaires le dimanche. La consommation, c’est de la création de richesses, c’est de l’emploi. Nous avons estimé que si on ouvrait certaines zones touristiques, pas partout, et avec autorisations des maires, les Chinois n’iraient plus faire leurs courses à Londres, à Madrid ou à Amsterdam.
Pierre Laurent : L’avenir de nos sociétés n’est pas de travailler en permanence, jours, nuits et dimanches. Concernant le volontariat des salariés, vous savez très bien que c’est une fable. Les salaires sont tellement bas dans le commerce – et ils sont de fait bloqués – les temps partiels sont tellement imposés, que certains acceptent, mais ça n’a rien à voir avec le volontariat. Il y a des choix de société qui ne sont pas les mêmes. Ce n’est donc pas aux chefs d’entreprise d’imposer leurs volontés.
Pourtant, j’ai l’impression que le Medef se comporte comme le premier parti politique de France et qu’il fait la pluie et le beau temps dans les choix politiques. Vous vous vantez d’être un homme de terrain, mais je constate que le Medef est plus sûrement introduit dans les arcanes du système que je ne le suis et que ne le sont les syndicalistes et les salariés. La vérité, c’est que vous jouez un rôle politique permanent dans ce pays.
Pierre Gattaz : Il faut observer ce qu’il se passe dans le monde. Dans les 150 pays en concurrence avec la France, les 30 qui ont bien réussi depuis 15 ans, sont celles qui ont mis l’entreprise au-dessus des considérations politiques. Les clients doivent gagner de la satisfaction, les hommes et les femmes doivent garder de l’épanouissement, de la formation permanente. Et les actionnaires, qui sont, je suis désolé, propriétaires de l’entreprise, récupèrent, en effet, des sommes qu’ils ont investies. Nous sommes dans une compétition mondiale où les règles du jeu sont quand même tournées autour de ces trois valeurs clés. Et je constate que des gouvernements de gauche ou de droite jouent selon cette règle du jeu.
Pierre Laurent : Derrière ce discours qui peut paraître de bon sens, en vérité vous développez l’idée qu’il peut y avoir des alternances politiques, mais finalement qu’il n’y aurait toujours qu’une seule politique possible. Et c’est malheureusement ce à quoi on assiste. La mondialisation telle qu’elle fonctionne ne ravit pas le monde entier. Il y a beaucoup de gens qui la contestent, de nations qui cherchent d’autres voies que celles de la mondialisation actuelle. Oui, il y a des propriétaires, mais un des problèmes justement c’est que ceux qui ne sont pas les propriétaires de l’entreprise, et qui pourtant en créent la richesse, n’ont pas assez leur mot à dire sur les choix faits.
4 le pacte de responsabilité, une faute ou une chance ?
Pierre Gattaz : Le pacte de responsabilité, on l’a suggéré au départ par notre pacte de confiance. Il est sorti, on l’a applaudi, on l’accompagne. C’est une démarche non politique de la part du Medef. Pour moi, l’état d’esprit de ce pacte, c’est de réduire le coût du travail, non pas en salaire net, mais sur les charges qui pèsent sur le coût du travail lui-même. C’est de réduire, aussi, la fiscalité qui pèse sur la productivité des entreprises françaises.
Ce pacte a été voté en juin dernier, nous attendons encore un certain nombre de décrets d’application sur la baisse des charges. On parle de baisse de la fiscalité pour les entreprises depuis le début, et bien figurez-vous qu’en ce moment encore, il y a des augmentations de charges sur les entreprises : le versement transports, les taxes de séjour. Il y a un manque de cohérence entre les discours et l’état d’esprit du pacte et les mesures qui sont prises. C’est pour cela qu’il y a eu une mobilisation la semaine dernière des chefs d’entreprises.
Pierre Laurent : Nous sommes en désaccord total. Le pacte de responsabilité qui effectivement a été initié par le Medef a déjà prouvé son inefficacité et son échec. Ce pacte vient s’ajouter à toute une série de crédits d’impôts, de niches fiscales et d’exonérations de cotisations sociales qui se sont accumulées aux cours des 20 dernières années sans aucun résultat en matière d’emploi. Malheureusement avec le pacte de responsabilité qui coûtera la somme énorme de 41 milliards d’euros, nous nous dirigeons vers un immense gâchis de fonds publics.
Pierre Gattaz : En France on a toujours l’habitude d’augmenter les charges comme je vous l’ai expliqué. Donc vous avez un poison, et vous inventez l’antipoison (avec le pacte – NDLR)…
Pierre Laurent : Non, mais vous ne pouvez pas dire que les charges sur les entreprises ont augmenté…
Pierre Gattaz 40 milliards. 40 milliards de plus. Je suis désolé, c’est les statistiques.
Pierre Laurent : C’est faux. Il faut compter toutes les exonérations de cotisations sociales, les crédits d’impôt, la suppression de la taxe professionnelle, tout ce qui s’est accumulé ces dernières années… La petite augmentation du versement transports va servir à construire des infrastructures qui sont utiles aux entreprises, parce que les salariés en région parisienne ne se rendent pas à leur travail à pied, que je sache. Vous ne pouvez pas nier que sur les 20 dernières années, nous avons empilé successivement toute une série de dispositifs, de niches fiscales et d’exonération de cotisations sociales.
Pierre Gattaz: Monsieur Laurent, ce que je vous propose, c’est : gardez vos aides, gardez vos subventions, surtout ne nous donnez plus rien, mais baissez les charges. Prenons le chiffre de 200 milliards que vous avez annoncé, qui est faux, mais prenons-le : vous faites 200 milliards d’économies en gardant les subventions, mais baissez nos charges de 200 milliards.
Pierre Laurent : Je suis pour remettre à plat toutes les aides financières accordées aux entreprises et pour baisser radicalement le coût du crédit. Les dividendes versés, les frais financiers, les frais bancaires, dont vous ne parlez jamais, représentent le double de la totalité des cotisations sociales payées par toutes les entreprises françaises. Attaquons-nous ensemble à ces charges financières, plutôt qu’aux dépenses sociales et publiques utiles.
Compte rendu réalisé pour l'Humanité par Marion d’Allard, Kevin Boucaud, Sébastien Crépel, Julia Hamlaoui, Clotilde Mathieu, Aurélien Soucheyre et Lionel Venturini
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07/02/2013
PIERRE LAURENT : un communisme de nouvelle génération
Comment se porte le Parti communiste ?
Pierre LAURENT : « Beaucoup mieux depuis que nous avons fait, en 2008, le choix de rénover notre projet et notre organisation, et d’adopter une stratégie de rassemblement au sein du Front de gauche. Notre congrès sera placé sous le signe du renforcement et du rajeunissement. Ce sera le plus uni et le plus rassemblé depuis longtemps. Nous voulons en faire le congrès de la maturation du communisme de nouvelle génération. »
Etes-vous dans la majorité ou dans l’opposition ?
« Le PCF et le Front de gauche étaient au cœur de la majorité populaire qui a permis de battre Nicolas Sarkozy, à la fois sur le plan des votes et sur celui de la dynamique. Nous voulons contribuer à la réussite du changement, mais la politique suivie par le gouvernement ne répond pas aux attentes très fortes des Français. Le message du congrès sera clair : il n’est pas question de renoncer. Nous appelons à la remobilisation de toutes les forces de changement. Sur le mariage pour tous, les associations sont restées pleinement mobilisées. Elles ont eu raison et c’est exactement ce qu’il faut faire dans les autres domaines. D’ailleurs je constate que cette mobilisation reprend dans des secteurs variés : fonction publique, entreprises, enseignement. »
Ne craignez-vous pas que le PS se venge de vos votes contraires au Sénat en vous écartant des listes de gauche aux municipales de 2014 ?
« Aucune force de gauche ne peut aujourd’hui rassembler des majorités à elle seule. Ce n’est pas en agitant la menace ou les ultimatums que l’on préservera les villes de gauche, mais en rassemblant toutes les forces du changement. Ce ne sera pas la première fois que nous aurons à constituer des majorités municipales alors que le débat est vif entre nos partis au niveau national. »
Jean-Luc Mélenchon n’est-il pas un allié encombrant ?
« Nous avons mené une campagne présidentielle très réussie avec Jean-Luc Mélenchon. Le Front de gauche retrouve, depuis, un visage très collectif. Nous partageons la même analyse des limites de la politique gouvernementale et nous menons ensemble une campagne d’alternative à l’austérité. Le renouveau du Parti communiste et le développement du Front de gauche vont de pair, ce qui n’empêche pas des débats sur la manière d’agir. Pour notre part, nous insistons sur le fait que la dynamique du Front de gauche passe par une ouverture allant bien au-delà de nos propres forces : syndicats, associations, militants d’autres partis de gauche. Le courant de gauche du PS vient de produire une analyse de l’accord entre le Medef et la CFDT que je partage à cent pour cent. »
Comment expliquez-vous le score finalement modeste de la gauche de la gauche à la présidentielle, alors que l’économie capitaliste connaît sa plus grave crise depuis 80 ans ?
« Parce que cohabite chez la majorité des Français un double sentiment : d’abord une très forte attente d’un vrai changement. Cette attente s’est exprimée lors du référendum européen de 2005, de la bataille des retraites, de la présidentielle 2012. En même temps, les Français doutent de pouvoir s’attaquer au capitalisme lui-même. Nous avons un gros travail à faire pour expliquer que c’est possible. »
Propos recueillis par Patrick FLUCKIGER avec le Républicain Lorrain
16:09 Publié dans Actualités, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre laurent, pcf, nouvelle génération | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |